au bout de la nuit (ryan)

au bout de la nuit

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Les défunts sont ses camarades, elle se plaît à s'en occuper, à les rendre beaux. Il lui arrive d'inventer des discussions comme s'ils étaient toujours là, à imaginer ce qu'était leur vie avant tout ça. Tori aime son emploi plus que tout mais elle le déteste tout autant lorsque le corps est celui d'un gamin. La mère, dévastée par le chagrin, peine à s'exprimer. Sa seule requête est que son fils ait l'air serein à la remise du corps. C'est la moindre des choses, il n'y a rien de plus normal. La vue de ce visage enfantin pince bien fort son cœur, il est difficile d'accepter que la mort ne fasse aucune faveur. Elle espère que la courte vie de ce petit Adam a été bien remplie et par dessus tout, qu'il a été heureux.

Sa deuxième cigarette ne parvient pas à l'apaiser. Elle remonte les rues, espère que la soirée sera plus jolie à appréhender. L'immense soupir qu'elle lâche une fois chez elle résonne dans la pièce d'entrée tandis qu'elle se faufile sous l'eau froide. Vaz ne s'éternise pas, le besoin de décompresser ailleurs surpasse tout. Une robe blazer rose poudrée, des escarpins nude. Elle prend le soin d'étirer son eye-liner, de maquiller ses lèvres tout en espérant secrètement qu'un homme ruinera son rouge à lèvres pour clôturer la nuit.

Sel, tequila, citron. L’œsophage qui brûle à chaque shot. Ce plaisir coupable annonce le début de toutes ses soirées. Elle a jeté son dévolu sur le bar le plus proche par simple impatience. Impossible de faire quelques mètres de plus sans alcool. Elle lâche un pourboire conséquent comme à son habitude avant de déguerpir sans objectif. Sa silhouette danse dans les rues, elle s'arrête dans un second bar et s'y attarde un peu plus. La tequila reste reine, cette fois servie glacée. Il devient trop tard pour compter les verres.

L'hispanique tire sa révérence pour mieux quitter les lieux, elle dégaine une cigarette qu'elle coince à ses lèvres. Elle ignore où aller mais peu importe, elle sait qu'elle trouvera. Sa silhouette danse dans les rues tandis que ses pensées s'égarent. Sa cheville manque de vriller lorsqu'elle trébuche bêtement, trop préoccupée à essayer de se souvenir de son dernier repas pour ensuite se rendre compte qu'elle n'a rien avalé depuis la veille, « ah ouais c'est pas fou » pense-t-elle en faisant la moue. Tori tire une nouvelle fois sur sa clope et poursuit son chemin sans destination. Elle vadrouille sur ses escarpins vertigineux qui font des « clic » et des « clac », parvient à assurer une démarche qui sent l'assurance malgré l'ivresse. C'est alors qu'à sa droite se trouve une ombre, un individu devant lequel elle pourrait passer sans prêter attention. Ce serait la réaction la plus normal et c'est ce qu'elle ne fera pas.

Elle se tourne, ses immenses talons plantées devant lui, son œil louche sur le poison que l'homme traîne dans le creux de sa main le temps de brèves secondes.

- Holà Hombre. Son accent roule et frétille. Belle soirée n'est-ce pas ?

Ses lèvres s'étirent, elle affiche le plus beau de ses sourires. Cet inconnu éveille ses sens, elle l'observe et lui tend une cigarette, ou plutôt lui coince avec délicatesse entre les lèvres sans réfléchir au fait qu'il pourrait être non fumeur. Ses doigts farfouillent à nouveau son sac, elle sort une pièce et recule d'un pas.

- Pile ou face ? Pile je vous offre à boire. Face, vous m'offrez un verre.

@ryan withaker