(A&J) Quand le passé te rattrapes

Assise dans cette salle d'attente, tu as l'impression que les minutes refusent de défiler, tout comme tu refuses de voir la vérité en face. Et pourtant, tu as envie d'y croire même si tu sais que tu ne seras plus jamais celle que tu étais. Tu sais aussi que pour pouvoir garder ton équilibre, tu as besoin de la glace, tu as besoin d'être dessus. Tu te perds dans tes pensées, espérant que les médecins te disent que ton genou peut tenir le coup. Et c'était à ce moment que tu l'avais vu, elle était un peu plus loin et tu ne savais rien d'elle. Rien, sauf qu'elle était là, sauf qu'elle avait tentée de te rassurer durant tout le trajet qui reliait la patinoire aux urgences. Elle essayait de t'aider et on ne pouvait pas vraiment dire que tu lui avais rendu la tâche facile .. En même temps, tu venais de voir toute ta vie partir en éclat. En quelques secondes seulement, ta vie n'avait plus le moindre sens. C'était des championnats secondaire, tu ne voulais pas y participer mais ton entraineur avait insisté alors vous l'avez fait. Cette chorégraphie, vous l'aviez faite des milliers de fois, tu étais capable de la faire les yeux fermés, sauf que voilà, il ne t'avait pas réceptionné comme il aurait dû le faire. Tu as chuté et même tu sais aujourd'hui que c'est impossible, tu avais vraiment senti ton rêve se briser à ce moment précis. Une intuition que les médecins t'avaient confirmés quelques heures plus tard. Tu l'as regardais tout en te disant qu'elle allait finir par te voir elle aussi, mais est-ce qu'elle se souviendrait de toi ? Après tout, avec un peu de chance, tu n'étais pas l'unique folle qu'elle avait croisée dans sa carrière mais quand même. Il y avait quelque chose en toi qui te poussait vers elle. Alors tu avais fini par te lever pour t'approcher. « Bonjour. » Tu voulais lui offrir un sourire qui se voulait amical car tu ne savais pas comment tu allais être accueillie. « Je suis désolé de vous déranger, je m'appelle Joyce, vous m'avez aidé il y a quelques années et, je crois que je ne vous ai jamais remercier pour cela. »

Tu avais fini ta journée sur une intervention en demi teinte, sur le transport d'une vieille femme qui était tombé dans la rue sans signe avant coureur. Toi et ton coéquipier avaient été chargé du transport de la patiente car les meds étaient occupés ailleurs. Mais comme souvent, tu avais un peu de mal à ne pas avoir de nouvelles. Aussi tu avais décidé de prendre un café dans les locaux de l’hôpital le temps que les médecins soient fixés sur son sort. Ce n'était pas la première fois, tu as tes habitudes et tu tiens encore dans tes mains le café le moins immonde du distributeur quand tu écoutes ce qu'il en était venu de la patiente et heureusement : rien de mal. Tu t’apprêtes donc à partir mais l'insistance d'un regard, te pousse à tourner la visage vers une jolie rousse que tu reconnais. Tu ne pourrais pas dire que tu te rappelles toutes tes interventions, il commençait à y en avoir beaucoup . Mais celle ci avait été particulière. Déjà avec ses cheveux de feu, on se souvenait de la jeune fille puis c'était en dehors de Wauwatosa lors d'un stage que tu avais du accomplir. Et raison encore plus parlante : la violence du choc sur le corps de la patineuse, la peur viscérale de ne plus jamais pouvoir retourner sur la glace qu'on voyait dans ses yeux et son tempérament qui n'avait pas manqué de se faire remarquer le long du trajet jusqu'à l’hôpital. Tu ne lui en voulait pas, dans cette situation, bien d'autre aurait aussi péter un câble, tu étais habituée mais tu avais été déçue de ne pas avoir pu vraiment l'aider.

En la voyant débarquer vers toi, tu as l'intime conviction que ce n'est pas juste pour un second round. Elle est souriante, et tu fais de même, adoptant une posture amicale. Elle rappelle son prénom , ce qui s’avère tout de même nécessaire malgré ta mémoire. « Oui , je me souviens de vous Joyce. Ravie de vous revoir ! » C'était vrai, tu aurais pu rajouter que tu l'étais d'autant plus de la voir sur ses deux jambes mais ça pouvait être un sujet délicat qu'il fallait mieux éviter d'aborder ainsi. « et je n'ai malheureusement rien pu faire pour vous, donc inutile de me remercier » Une petite grimace navrée se peignit sur ton visage avant de reprendre. « Mais je suis très étonnée de vous voir ici ! Le hasard est complet. Vous êtes ici pour voir de la famille ? » Encore une fois, dans un hôpital tu n'étais pas certaine d'utiliser le bon angle mais c'était trop tard.

Cette femme tu l'admirais. un peu comme toutes les personnes autour de toi dans cet hôpital. Une partie de toi aurait aimé avoir cette même passion, la passion t'aider les gens, de les soutenir dans les épreuves de la vie, d'être là pour les autres mais non. Ta passion à toi représentait un autre genre de danger, une adrénaline différente mais pourtant si forte qu'elle t'avait donnée des ailes durant plusieurs années. Ta carrière, tu y croyais. Tu avais tout abandonné pour elle, tout donner et elle avait fini par t'avoir. Ton genou était blessé et tu savais que tu avais beau venir ici pour faire de la rééducation, rien ne changerait. Plus jamais, tu ne pourrais jouer dans la cour des grands. Ton seul avenir, c'est ce que tu vis depuis quelques semaines, c'est ses enfants que tu vois sur la glace en train de rire. « Vous avez gardé votre calme alors vous deviez mourir d'envie de me faire taire » Tu lui souriais, tu devinais que tu n'étais pas la personne la plus violente qu'elle avait pu croiser mais tu étais loin d'être la plus agréable. Tu étais passé par toutes les phases du deuil en un trajet, en quelques minutes. En restant un bon moment sur la colère que tu avais défoulée sur un peu tout et tout le monde. Pourtant, ce genre de comportement ne te ressemblait pas. Bien au contraire, tu étais souvent "de glace" face à tes émotions, tu les gérais en les cachant mais pas cette fois. Et oui, tu avais honte de ce que tu lui avais montré de toi. Honte de l'image que tu lui avais envoyée, cette image que tu voyais comme étant celle d'une princesse capricieuse. « En effet, j'ai grandi ici et après l'accident, j'avais besoin de revenir aux sources comme on dit » Tu lui souriais, évitant les détails sur la maladie de ton père ou sur sa fin. Evitant aussi de lui dire pourquoi tu étais encore en ville, il faut dire que tu ne le savais même pas toi .. « Et vous ? Vous êtes en stage dans notre petite ville ? »

La conversation était plus calme et plus douce que la dernière fois où elles s'étaient rencontrées . Et pour cause le mot urgence n'était plus accolée à elles deux et encore moins aux premiers soin d'urgence effectués avant d'arriver à l’hôpital où elle aura été pris en charge pour un diagnostique qui rarement pour un sportif n'est positif après ce genre d'incident.  Elle en savait quelque chose car malheureusement ce n'était pas le premier cas qu'elle avait vu aussi fût elle tout à fait sincère quand elle lui répondit « Oh non je vous assure, dans votre cas je comprenais totalement , parfois oui j'aurais bien envie de régler des crises d'hystéries par une bonne baffe , ou alors un bon coup de genoux dans les couilles quand c'est des agressions et que le connard est toujours dans les parages quand j'arrive mais là  non. » La pompier demande naturellement ce qui l’amène ici et est très surprise d'apprendre qu'elle est une enfant de Wauwatosa, tout comme elle. Aussi quand elle lui demande ce qu'elle en est pour elle, elle a une voix surprise mais enjouée «  Non pas de stage cette fois ci, c'est mon affectation , ma vraie. Je suis d'ici aussi alors j'ai toujours eu envie d'y revenir et y bosser. C'est un drôle d'hasard que finalement on soit toute deux nées ici. A quelques années prêt on aurait pu se retrouver sur les mêmes bancs de l'école. Bordel ça me rajeunit pas ! » Elle fit signe d'être gravement choquée par l'idée de vieillir même si avec les années elle s'était tellement émancipée qu'elle ne voudrait pas revenir à ses années lycées, surtout pas en sachant qu'elles avaient été un cauchemars grâce à la sex tape diffusée par son premier amour ! « Peut être pourrions nous nous tutoyer et … nous asseoir ? » Elle désignait les chaises peu confortables de l’hôpital tout prêt de la machine à café qui lui faisait soudain de l’œil. Elle commençait à s'y acheminer et commander un petit remontant avant d'en proposer un à Joyce. « Tu veux quelque chose ? A moins que tu ne doives partir... tu es là pour une consultation ? Pour ton genoux ? » façon délicate de savoir si elle avait pu remonter sur la glace.