you ain't woman enough (theo)

you ain't woman enough
@theo grahms

"Okay, le plan est simple : je passe devant la photocopieuse, tu te faufiles jusqu'au couloir, tu appuies sur le bouton de l'ascenseur, j'attrape nos manteaux et biiim, on fonce dans l'ascenseur... compris ?". Le plan était finement élaboré, Maya y avait songé une bonne partie de l'après-midi. En ce vendredi soir, il lui tardait de partir de son lieu de travail. Un stage, dans un prestigieux cabinet d'avocats. En soit, elle aurait pu travailler auprès de ses parents, ça aurait été plus simple, plus confortable... Mais non, Maya avait refusé. Pas question de passer pour la pistonnée du groupe. Si elle suivait les pas de ses géniteurs, Maya refusait de se complaire dans une simplicité évidente. Elle réussirait, mais par ses propres moyens. Elle se savait déjà assez privilégiée pour en rajouter encore une couche.
Seulement voilà, le privilège avait également son double-tranchant. Ses employeurs savaient pertinemment qui elle était, qui étaient ses parents. Si elle avait été acceptée, c'était grâce à ses compétences, mais son nom de famille invitait la méfiance. Alors, on lui refilait les tâches ingrates, et l'un des associés n'hésitait jamais à la faire finir plus tard que nécessaire... Et manque de chance, ce soir là, c'était lui qui était en train de pianoter sur son ordinateur, dans son luxueux bureau. Mais Maya était tenace. Investie dans son travail, mais elle avait des limites. Et puis, elle avait prévu de retrouver Theo. Hors de question de mettre son meilleur ami de côté. Alors, elle avait mis en place un stratagème, qui semblait faire trembler de peur sa collègue et nouvelle amie, la fébrile Pollie. "Mais... et si monsieur Johnson nous voit ? Je vais pas y arriver...". Maya lâcha un énorme soupire, ne cachant pas son agacement. "J'y tiens moi à ce boulot et pu/", la brune ne lui laissa pas le temps de finir, posant ses mains sur les épaules de son amie, Maya planta son regard sombre dans celui tout aussi clair de la jeune femme. "Ecoute moi Pollie, tu peux le faire, je crois en toi ! On va y arriver !". Un peu plus et elle se prenait pour Stalone dans Rocky. Ça semblait un peu cérémonieux, totalement tiré par les cheveux, mais ça sembla marcher. Pollie se redressa légèrement, inspira un bon coup, et replaça son serre-tête sur le haut de son crâne. "Okay, capitaine !".

Maya trottinait le longs des rues du centre-ville, maudissant l'abruti qui avait bien pu inventer les chaussures à talons. D'ordinaire, elle aimait ça. De petite taille, les centimètres ajoutés n'étaient pas négligeables et puis, elle se trouvait élégante, avec son tailleurs foncés et ses escarpins... Mais là, elle aurait aimé avoir ses baskets préférées aux pieds, afin de courir un peu plus vite et d'arriver moins en retard au lieu de rendez-vous établi quelques heures plus tôt par message avec Theo. Il commençait sérieusement à faire froid, en plus, alors que l'hiver s'installait doucement. Maya accéléra un peu la cadence à la vue de l'heure et entra finalement dans le vaste parc du centre-ville. Elle le connaissait par cœur. C'était simple, Maya avait passé sa vie dans cette ville. Ce parc, elle l'avait écumé toute son enfance. Alors, elle visualisait parfaitement le banc sur lequel Theo était sensé l'attendre... Celui où, vers l'âge de seize ou dix-sept ans, complètement bourrée, elle avait démontré ses talents de chanteuse, en interprétant les paroles d'une chanson des Spice Girls. Et ses fausses notes lui avaient quand même valu de remporter dix dollars de personnes passant dans le coin, visiblement amusés par le spectacle. Finalement, elle en riait avec le temps, mais pendant longtemps, la gueule de bois qui avait suivi lui avait laissé un souvenir beaucoup trop amère de cette soirée.
C'est presque essoufflée qu'elle arriva enfin au lieu de rendez-vous. Elle avait bien quinze minutes de retard, mais elle semblait plutôt fière d'elle. Et Theo était là, sur le fameux banc, le nez plongé dans son téléphone, alors qu'il ne remarqua pas tout de suite son arrivée. Elle en profita pour lui sauter dessus, un peu violemment, il fallait bien l'avouer. "Saluuuuut !!", lâcha-t-elle, puérile. "Je sais, je suis à la bourre. J'aurais pu t'envoyer un message pour te prévenir, mais j'aurais perdu encore plus de temps, et c'est vraiment pas facile de marcher vite avec des talons comme ça. Du coup, je pense que tu devrais me remercier et m’acheter un bretzel parce que j’ai la dalle !". Elle passa une main dans ses cheveux et reprit. "Et puis, quinze minutes, c'est rien dans une vie !". Bon okay, pas la reine des excuses, c'était certain, ni de la ponctualité, d'ailleurs.

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{you ain't woman enough.}
crédit/ sparkles & @Maya Withaker

Tu avais jeté un œil à ta montre. Tu étais à l'heure. Tu avais passé une longue journée. Tu avais couru dans la ville pour couvrir ses illuminations de Noël pour le journal de la ville. Ce n'était pas le genre de chose que tu appréciais faire le plus mais tu étais bien payé. Alors cela compensait. Et tu pourrait gâter tes proches pour les fêtes. Même si tu n'avais aucune idée de ce que tu allais acheter. Tu comptais d'ailleurs sur Maya pour avoir des idées. En plus, tu trouvais qu'il y avait trop de monde dans les rues, dans les boutiques. C'était infernal. Autant tu appréciais ces fêtes pour le côté familial et le fait de retrouver tes potes. Mais tu détestais ce côté sur-consommation. Mais bon maintenant, si tu n'offrais rien, tu passais rapidement pour un radin. Donc, finalement tu n'avais pas trop le choix de mettre la main au porte-monnaie. En plus, tu ne pouvais pas dire que tes potes ou ta famille, étaient du genre faciles. C'était même tout le contraire. Ton père te disait sans arrêt qu'il ne voulait rien. Qu'il ne fallait pas que tu dépenses un sous pour lui... mais bon, Noël ce n'était qu'une fois par an. En plus, il revenait de plusieurs mois de formation. T'avais envie de passer de bonnes fêtes avec lui. Quant à ta mère, tu ne savais pas quoi lui offrir. Elle aimait les bijoux. Alors peut-être que tu allais te diriger vers sa. Et puis, tu devais aussi penser à Olivia. Bref, ta prime du journal allait passer dans ces cadeaux. Tu en étais presque certain. En même temps, tu n'avais besoin de rien. Tu avais réussi à mettre avant d'argent de côté pour t'offrir il y a cinq mois l'appareil photo qui te faisait de l’œil depuis des mois et des mois. Peut-être que tu aurais pu attendre le black friday. Mais tu n'avais pas envie d'attendre.

Tu avais visé tes écouteurs aux oreilles. Tu connaissais Maya, assez pour savoir qu'elle allait être encore en retard. Tu remontais ensuite le col fourré de ton blouson en velours noir. Il te tenait bien au chaud. Mais tu avais oublié ton bonnet. Tu ne savais pas où tu l'avais mis. Peut-être oublié au journal ou à la colocation. Tu ne savais pas. T'avais pourtant regardé dans la besace que tu avais posé en bandoulière autour de ton épaule gauche. Tu n'avais pas eu le temps de rentrer chez toi pour te changer. Tu venais directement du journal. Et tu avais encore ton matériel sur toi. Tu jetais un regard sur ton téléphone quand ce dernier se mit à vibrer alors que tu le tenais dans les mains. C'était un message d'Olivia qui se demandait si tu passais ce soir. Tu lui disais non. T'avais des choses à faire. Tu étais évasif dans ta réponse. Tu n'avais pas envie qu'elle fasse une nouvelle scène parce que tu passais du temps avec Maya. D'ailleurs en parlant d'elle, tu la voyais plus loin, se faufiler entre les passants. Tu envoyais rapidement le message, promettant à Oli que tu allais essayer de passer ce soir. La minute suivante, Maya te sautait dessus. Un sourire sur les lèvres, tu essayais de ne pas faire tomber ton téléphone. « Te remercier ? Carrément ? Parce que tu as réussi à courir un cent mètre avec des talons ? » Tu fronçais les sourcils. Tu n'étais même plus étonné par ces retards. « Voilà pourquoi je suis là depuis cinq minutes. » Tu esquissais un sourire avant de sortir un paquet de ta besace. C'était un bretzel. Tu l'avais acheté en venant. « Dis-le. Que je suis le meilleur. J'aime bien l'entendre. » Tu lui faisais un sourire avant de lui donner le paquet. Puis tu ajoutais plus sérieusement : « On t'a pas laissé partir à l'heure ? » Tu connaissais ça. Au journal, tu avais rarement des horaires fixes. Tu mangeais et vivait un peu en décalé quand tu bossais pour le journal. Mais cela faisait parti du taff. Pour Maya, c'était plutôt un excès d'autorité de sa hiérarchie. Pas facile de porter le nom Withaker dans le milieu. Ta meilleure amie n'avait pas choisi la facilité. Mais en même temps, tu n'en étais pas étonné. Cela faisait partie de sa personnalité. Et tu la savais doté d'assez de caractère pour faire face à ce genre de situation. Puis tu finissais par te relever, l'embrassais sur la joue avant de demander : « Prête pour affronter le frénésie d'avant fête ? » Toi, tu n'aimais pas trop ça. En général, tu essayais de t'y prendre bien à l'avance. Mais là, tu n'avais pas pu. Tu avais eu beaucoup de boulot. Et tu savais que c'était pareil pour Maya. Tu rangeais ensuite tes écouteurs dans tes poches avant de reporter ton regard sur ta meilleure amie.